La suspension et la réduction de l’aide publique au développement par les grandes puissances et la Belgique menacent des millions de personnes. Face à des crises humanitaires croissantes, cette réorientation budgétaire interroge : finance-t-on encore la solidarité ou sert-on d’autres intérêts ?

L’aide publique au développement “APD” – mieux encore, on peut l’appeler “solidarité internationale”- joue un rôle fondamental dans la réduction des inégalités, le renforcement de la stabilité mondiale et la lutte contre la pauvreté. Depuis des décennies, elle permet de financer des programmes essentiels dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la sécurité alimentaire et de la prévention des conflits. Cependant, cette dynamique est aujourd’hui menacée par une tendance inquiétante : la suspension et la réduction drastique des financements alloués à l’aide internationale par plusieurs pays donateurs.
En plus des engagements historiques pris par la Belgique sur la scène internationale, l’actuelle majorité gouvernementale s’est fixé l’objectif d’atteindre les 0,7% en 2030. L’accord de gouvernement de la coalition Vivaldi indiquait quant à lui en 2020 qu’« une trajectoire de croissance contraignante sera définie et mise en œuvre à partir de 2021 afin d’atteindre, d’ici 2030, la norme convenue au niveau international, soit 0,7% du RNB ». Un nouvel engagement a été ensuite pris lors du Conseil des Ministres du 25 février 2022 et un accord a enfin été conclu lors du kern (Conseil des ministres restreint) du 18 juin 2022 en faveur d’une augmentation de l’aide belge pour atteindre 0,7% du RNB en 2030. Il reste toutefois à concrétiser la trajectoire de croissance menant à cet objectif. |
En 2023, l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) a alloué 17,2 milliards de dollars à l’Europe et à l’Eurasie, soit environ 40 % de son budget total. Une part significative de ces fonds, soit 5 milliards de dollars, était destinée à l’Ukraine pour l’année 2024. Cependant, avec la décision de suspendre une partie de cette aide, de nombreuses organisations non gouvernementales et agences internationales se retrouvent dans une situation critique, contraignant des millions de personnes à faire face à des difficultés accrues en matière d’accès aux services de base. Par ailleurs, la Belgique, à l’image d’autres nations européennes, prévoit de réduire de 25 % son budget d’aide publique au développement dans un contexte de restrictions budgétaires. Cette décision suscite de vives inquiétudes, notamment en raison de son impact direct sur les populations vulnérables des pays partenaires et du risque d’accroissement des inégalités globales.
Dans ce contexte, cet article analyse les conséquences de ces décisions sur les pays bénéficiaires, explore les implications économiques, humanitaires et environnementales, et propose des alternatives pour maintenir l’engagement international en faveur du développement et de la solidarité.
Impact global de la suspension de l’aide
Certaines ONG humanitaires actives en Ukraine et dans les pays voisins déclarent avoir perdu jusqu’à 25 % de leur budget total, les obligeant à interrompre des activités essentielles comme l’aide alimentaire, l’hébergement pour les personnes déplacées, la réparation des logements endommagés et le soutien aux services médicaux indispensables.
Impact sur l’Afrique et les pays en développement
En Afrique, les coupes budgétaires menacent des secteurs clés comme la santé, l’éducation et l’agriculture. Les pays les plus vulnérables, qui dépendent fortement de l’aide américaine, risquent de voir leurs programmes de développement ralentis ou interrompus, ce qui pourrait aggraver la pauvreté et l’instabilité.
Réduction du budget de l’aide publique au développement (APD) en Belgique La coalition gouvernementale belge, surnommée ‘Arizona’, envisage de réduire de 25 % le budget fédéral alloué à la coopération au développement, dans le cadre d’un plan visant à réaliser 20 milliards d’euros d’économies sur les dépenses de l’État. |
Conséquences de la réduction de l’APD
La diminution de l’APD pourrait avoir des conséquences significatives sur les populations des 14 pays partenaires prioritaires de la Belgique, tels que la République démocratique du Congo, les pays du Sahel ou le Territoire palestinien occupé, déjà confrontés à des situations de guerre et d’inégalités. Elle pourrait également compromettre l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD), notamment l’éradication de la faim d’ici 2030.
L’impact environnemental de la réduction de l’aide et l’hyperarmement
En plus des conséquences humanitaires et sociales, la réduction de l’aide et l’augmentation des dépenses militaires posent un problème environnemental majeur. L’industrie de l’armement est l’un des plus grands pollueurs au monde. Selon Scientists for Global Responsibility (SGR), les forces armées mondiales sont responsables de 5,5 % des émissions de gaz à effet de serre. Les conflits et l’hyperarmement contribuent à la destruction des écosystèmes, à la pollution des sols et des nappes phréatiques, ainsi qu’à la surconsommation des ressources naturelles.
La suspension de l’aide internationale et la réduction des budgets de coopération au développement représentent une menace majeure pour les populations les plus vulnérables à travers le monde. Dans un contexte marqué par des crises humanitaires, des conflits persistants et des défis environnementaux croissants, cette tendance pose de sérieuses questions quant à l’avenir de la solidarité internationale et de la coopération multilatérale.
Alors que les gouvernements réorientent leurs priorités budgétaires vers le renforcement militaire et la sécurisation des économies nationales, il est crucial de rappeler que la véritable stabilité ne peut être atteinte sans un engagement durable en faveur du développement humain et social. Réduire les financements destinés à l’aide au développement ne fait qu’accentuer les déséquilibres économiques et sociaux, exacerber les tensions et compromettre les objectifs de paix et de prospérité mondiale.
Il est donc impératif que la communauté internationale, la société civile et les institutions multilatérales se mobilisent pour défendre l’importance de l’aide au développement et promouvoir des alternatives viables. Cela passe par des stratégies de financement innovantes, un plaidoyer intensif et une coopération renforcée entre États, entreprises et ONG.
En fin de compte, l’avenir de la coopération internationale dépend de notre capacité à prioriser l’humain et la planète plutôt que des intérêts strictement économiques ou sécuritaires. Face aux défis mondiaux actuels, la solidarité ne doit pas être perçue comme une option, mais comme une nécessité absolue.

Quid de la réduction du budget de l’aide publique au développement (APD) en Belgique ?
La Belgique, historiquement engagée dans la coopération au développement, connaît un tournant préoccupant avec l’annonce d’une réduction de 25 % du budget fédéral alloué à l’APD. Cette mesure, inscrite dans le plan d’austérité du gouvernement ‘Arizona’, vise à réaliser 20 milliards d’euros d’économies sur les dépenses publiques. Or, cette décision suscite une vive controverse, car elle semble considérer l’aide internationale comme une variable d’ajustement budgétaire plutôt que comme un investissement stratégique en faveur de la stabilité mondiale et du développement durable.
Les critiques de cette décision proviennent principalement des organisations de la société civile, des acteurs du développement et d’économistes qui alertent sur les conséquences désastreuses qu’une telle réduction pourrait avoir sur les pays partenaires. Actuellement, la Belgique concentre son aide sur 14 pays prioritaires, dont la République démocratique du Congo, les pays du Sahel et le Territoire palestinien occupé. Ces régions, déjà confrontées à d’importants défis humanitaires et géopolitiques, verront leur situation se dégrader davantage si l’APD belge est réduite.
Un des principaux points de critique repose sur le manque de cohérence entre cette réduction de l’APD et les engagements internationaux de la Belgique, notamment les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies. L’ODD 1, visant l’éradication de la pauvreté, et l’ODD 2, consacré à la sécurité alimentaire, risquent d’être compromis par ces restrictions budgétaires. De plus, cette coupe budgétaire intervient à un moment où les crises climatiques, économiques et sanitaires nécessitent un engagement accru de la part des pays donateurs et non un retrait.
Patrick Balemba Batumike.
Source :
Les nouvelles orientations de la coalition ‘Arizona‘
La coalition gouvernementale belge ‘Arizona’, composée de plusieurs partis justifie cette réduction de l’APD par la nécessité de rééquilibrer les finances publiques et de rediriger une partie des fonds vers des secteurs jugés prioritaires, notamment la défense et la sécurité intérieure. Cette réorientation budgétaire s’inscrit dans un contexte plus large où de nombreux pays européens augmentent leurs dépenses militaires en réponse aux tensions géopolitiques actuelles.
L’une des grandes évolutions apportées par la coalition ‘Arizona’ est la volonté de conditionner davantage l’APD à des critères politiques et économiques précis. Ainsi, l’aide belge devrait être attribuée en priorité aux pays partenaires considérés comme stratégiques pour les intérêts économiques et sécuritaires de la Belgique. Ce changement d’approche soulève des interrogations sur la finalité de l’aide au développement : vise-t-elle à répondre aux besoins des populations ou à servir des intérêts diplomatiques et économiques ?
Par ailleurs, le gouvernement envisage de renforcer la participation du secteur privé dans la mise en œuvre de l’aide au développement. Cette orientation pourrait favoriser une approche plus ‘marchande’ de la coopération, au détriment des ONG et des acteurs de la solidarité internationale. Cette privatisation progressive de l’aide risque d’orienter les fonds vers des projets économiquement rentables, au détriment des secteurs vitaux tels que l’éducation, la santé et la protection sociale.
Quelles actions et perspectives ?
Les récentes décisions de suspension et de réduction de l’aide publique au développement par les grandes puissances et la Belgique posent de sérieuses questions sur l’engagement des pays donateurs envers la solidarité internationale. Alors que les crises humanitaires s’intensifient, ces coupes budgétaires risquent d’aggraver les inégalités mondiales, de fragiliser des États déjà en difficulté et d’exacerber les tensions géopolitiques.
Dans ce contexte, il est essentiel que la communauté internationale prenne conscience des implications profondes de ces choix politiques et explore des alternatives pour garantir la pérennité de l’aide au développement. Plutôt que de réduire drastiquement ces budgets, une approche plus équilibrée pourrait être adoptée, combinant efficacité budgétaire et engagement en faveur des Objectifs de développement durable. Les gouvernements doivent également être encouragés à diversifier leurs sources de financement et à renforcer la coopération régionale pour atténuer les impacts des restrictions budgétaires.
Enfin, les citoyens, les diasporas et la société civile ont un rôle crucial à jouer dans le plaidoyer pour le maintien et le renforcement de l’aide au développement. La pression populaire et les campagnes de sensibilisation peuvent influencer les décisions politiques et rappeler aux gouvernements leur responsabilité en matière de justice sociale et de coopération internationale.