En Belgique, 21 % de la population connaît une situation de précarité. Cela veut dire que les droits fondamentaux d’une personne sur cinq ne sont pas respectés ! Pour nous mobiliser contre la précarité, nous avons choisi deux axes complémentaires : l’un de dénonciation, l’autre de propositions pragmatiques.
D’une part, au lieu de fustiger des boucs émissaires, nous désignons les vrais responsables de la précarité : le système néolibéral, ses mécanismes et ses promoteurs. De l’autre, nous affirmons que le droit au logement est primordial pour lutter contre la précarité et nous proposons des recommandations en faveur de ce droit.Quelles sont les personnes qui font partie de ces 21 %?
[4]IWEPS, Institut Wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique, Regards sur la pauvreté et les inégalités en Wallonie, 2013- Le taux de privation ou de pauvreté est au moins deux fois plus important en Wallonie qu’en Flandre.
- Près d’1 enfant sur 4 vit sous le seuil de pauvreté ou subit la privation en Wallonie.
- Plus de la moitié des familles monoparentales sont dans la pauvreté.
- 45 % des chômeurs sont touchés par la pauvreté en Wallonie.
- Les personnes étrangères représentent 12% des personnes pauvres en Belgique.
- Enfin, le taux de pauvreté ou de privation des locataires est quatre fois plus élevé que celui des propriétaires.
Maximisation du profit au détriment de l’humain et de l’emploi
La déshumanisation et le caractère anonyme de l’actionnariat, conséquences de son extrême fragmentation et des multiples participations croisées qui le caractérisent, ont laissé les dirigeants d’entreprise avec pour seule ligne de conduite d’accroître la rémunération du capital et les dividendes versés en fin d’année aux millions de petits porteurs. Pour atteindre cet objectif, tout est permis : licenciements massifs pour accroître la compétitivité, délocalisation vers des endroits présentés comme plus compétitifs malgré les bénéfices affichés par les grands groupes transnationaux. Cette pression capitaliste provoque la précarité de l’emploi, justifié par une exigence de flexibilité que le marché leur imposerait. Contrats à durée déterminée, interims, temps partiels, chômage partiel sont le quotiden des travailleurs, pour autant qu’ils aient la chance de ne pas être tout à fait au chômage Or, ne pas disposer d’un revenu décent ne permet pas de se loger correctement.Les mesures d’austérité en cause
Deuxièmement, cette idéologie néolibérale et cette dérégulation ont été le terreau de la crise [7]Crise des subprime aux États – Unis, elle-même liée au logement.financière internationale qui a débuté en 2008 et qui a dégénéré en crise économique. C’est au nom de cette crise que l’équilibre budgétaire public est érigé en objectif politique sous la pression des instances internationales (Union Européenne, FMI, G22). [8]La Commission Justice et Paix Belgique francophone, Quelle maîtrise politique des activités commerciales et financières mondiales ?, Etude 2013. Alors que la crise financière, économique et sociale est due aux dérives de la finance [9]Il est en effet tout à fait anormal, par exemple, qu’une entreprise change plusieurs fois de valeur sur une demi-journée suite à des transactions, souvent quasi gratuites et non taxées, de … Continue readinget aux politiques néolibérales non contrôlées par nos Etats, on fustige les dépenses publiques et on leur fait porter le chapeau. Pour diminuer les dépenses publiques, nos représentants politiques mettent en place des mesures d’austérité. Les erreurs de personnes dont les émoluments sont anormalement élevés, et qui reçoivent des primes démesurées quand elles quittent leur fonction après l’avoir mal remplie, sont payées par les citoyens les plus modestes en sacrifiant le bien –être et la sécurité sociale. À ce jeu-là, nos responsables politiques, piégés entre leur désir d’être réélus et leurs responsabilités dans les comités de direction de certaines des plus grandes entreprises, à l’instar de Dexia, n’ont pas relevé le niveau. « La crise financière, économique et sociale a aggravé la situation en matière de logement d’une grande partie de la population en Europe, en particulier celle des personnes en situation de pauvreté ». [10]BAPN et RWLP, Accès et exercices des droits au logement en Europe, Bruxelles et Namur 2010Personnes discriminées et précarisées facilement exploitables
Troisièmement, la précarisation de la population, notamment par la précarisation de l’emploi, rend celle-ci davantage malléable dans le système capitaliste. En effet, travailleurs et chercheurs d’emploi sont mis en compétition pour obtenir un travail ou mieux encore, un travail stable, aux niveaux national et international. Ils sont donc en position faible et prêts à accepter n’importe quelles conditions pour travailler : contrats à durée déterminée, interims, temps partiels, … La précarité est donc un rouage du système capitaliste. Pour précariser, pointons également le racisme. Le racisme qui prend forme par des discriminations sur base de l’origine ou de la culture, est un outil permettant d’exclure une partie de la société pour l’exploiter plus facilement.« En effet, la problématique du logement, et, plus précisément, de l’accès et du droit au logement, est centrale si l’on veut attaquer à la racine une des causes les plus criantes de la pauvreté et de l’exclusion sociale, … » . Le réseau Lutte Solidarité Travail (LST) le dit également. Or, les problèmes liés au logement sont nombreux. Citons par exemple : le nombre insuffisant de logements publics ou privés de qualité à des prix accessibles, la discrimination dans l’accès au logement pour raisons raciales, culturelles, de statut social, de genre, …, la ghettoïsation de l’habitat, la situation très difficile de groupes entiers de la population : sans-abris, gens du voyage, demandeurs d’asile, familles monoparentales, jeunes , … Nos droits sociaux, et en particulier le droit au logement, sont sacrifiés au profit d’un système néolibéral que nous devons remettre en question. Aussi, pour lutter contre la précarité, il faut remettre en cause ce système et, de manière indissociable et complémentaire, proposer des pistes pragmatiques. Selon Lutte Solidarité Travail:« un logement décent est le point de départ pour pouvoir mener une vie digne »
- 40.000 familles sont sur liste d’attente pour un logement social,
- 35.000 logements sont inoccupés,
- le coût d’un loyer pèse lourdement dans le budget d’une famille ou d’une personne vivant d’un revenu de remplacement ou d’un petit salaire, parfois plus de 50%,
- la Région Wallonne a démarré en 2003 le Plan Habitat permanent qui vise à reloger 10.000 personnes vivant dans les domaines et campings. Mais il manque des logements abordables pour des personnes ayant des petits revenus
- Aux citoyens, notamment à ceux qui vivent la précarité, car ils connaissent cette situation de l’intérieur et savent quelles pistes sont à mettre en œuvre en priorité. Aux autres, en sollicitant également leur collaboration et leur solidarité concrète qui passe par le civisme fiscal et, pour les plus aisés, par une simplicité de vie plus grande permettant le partage volontaire de leurs ressources. C’est à ce prix que nous vivrons tous dans des conditions plus respectueuses des droits humains fondamentaux.
- Aux pouvoirs publics car il en va de leur responsabilité de gérer la cité afin de lutter contre la précarité entre autres et afin de garantir les droits humains fondamentaux tel que le logement.
- À l’Eglise catholique, en se référant à la Doctrine sociale de l’Eglise et à ses principes de justice et de solidarité notamment, concernant les biens propres qu’elle pourrait mettre à la disposition des personnes précarisées.
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Notes[+]
↑1 | Joseph Wresinski, Grande pauvreté et précarité économique et sociale, Paris, Journal officiel, 1987, p 6. J.Wresinski est le fondateur de ATD Quart Monde. |
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↑2 | Consultation citoyenne réalisée par le groupe Pax Christi Charleroi, lors du Forum social de Charleroi « We must Act » 25 et 26 mai 2012 |
↑3 | Enquête EU-SILC 2011 (‘Statistiques de l’Union européenne sur le revenu et les conditions de vie’), organisée pour la Belgique par le SPF Economie – Direction générale Statistique et Information économique. |
↑4 | IWEPS, Institut Wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique, Regards sur la pauvreté et les inégalités en Wallonie, 2013 |
↑5 | Enquête EU-SILC 2011. |
↑6 | Pour Bruxelles-Capitale, l’échantillon est trop petit pour fournir des chiffres fiables. |
↑7 | Crise des subprime aux États – Unis, elle-même liée au logement. |
↑8 | La Commission Justice et Paix Belgique francophone, Quelle maîtrise politique des activités commerciales et financières mondiales ?, Etude 2013. |
↑9 | Il est en effet tout à fait anormal, par exemple, qu’une entreprise change plusieurs fois de valeur sur une demi-journée suite à des transactions, souvent quasi gratuites et non taxées, de traders au service de spéculateurs. |
↑10 | BAPN et RWLP, Accès et exercices des droits au logement en Europe, Bruxelles et Namur 2010 |
↑11 | Fischer Axelle et la Commission Justice et Paix de Liège, « Les personnes sans logement sont condamnées à rester dans la précarité », analyse, novembre 2012 |
↑12 | Commission Justice et Paix Belgique francophone, Quelle maîtrise politique des activités commerciales et financières mondiales ? Étude 2013. |
↑13 | Politique scientifique fédérale, Programme Agora, rapport final, Pauvreté rurale et urbaine, 2013, online. |
↑14 | Fischer Axelle et la Commission Justice et Paix de Liège, « Les personnes sans logement sont condamnées à rester dans la précarité », analyse, novembre 2012, [en ligne. |