Comme beaucoup d’organisations de la société civile, Justice et Paix s’interroge sur les impasses du modèle économique actuel. Au cœur du système néolibéral, ce sont les acteurs privés qui règnent en maîtres sur les activités économiques. Certaines multinationales sont peu concernées par les réalités sociales ou environnementales. Elles ont pourtant la capacité de faire valoir leurs volontés auprès des États et ainsi d’influer sur les décisions censées viser le bien public. Aux antipodes de celles-ci, d’autres acteurs privés œuvrent en coulisse en faisant preuve de davantage de responsabilité sociale. Et si un dialogue entre la société civile et les entreprises était possible ?
Quels seraient les points de convergence et la valeur ajoutée d’un tel dialogue pour ces sociétés et pour la société humaine dans son ensemble ? Ce dialogue est-il possible avec des acteurs privés ayant des activités liées au secteur extractif, pourtant considéré comme « sensible » au regard des bénéfices records qui y sont engrangés et des impacts négatifs qu’il peut entraîner dans les pays du Sud ? En tant qu’ONG, Justice et Paix cible deux types d’acteurs : les représentants politiques et les citoyens. En les sensibilisant, un des objectifs est de parvenir à un changement, sur le long terme, de la finalité du système économique. Il convient de le rendre plus solidaire, durable et respectueux des peuples et des personnes. Il doit être à leur service et non le contraire. Pour y parvenir, les citoyens ont un pouvoir d’action sur le marché, par le biais de leur consommation. Ils peuvent également interpeller les politiques qui ont quant à eux la capacité de réguler le marché et le système économique aux niveaux régional, national et parfois international en faveur de davantage de régulation du marché et de l’économie.«Si nous ne voyons pas d’amélioration, nous stoppons alors la procédure de collaboration. Nous voulons avant tout être des institutions responsables qui respectent et font respecter les droits de l’Homme», concluent-elles. Pour la société civile, il est primordial que le secteur privé mette la priorité sur le respect des droits fondamentaux des peuples. Les pratiques de mécénat ne peuvent que compléter cet engagement préalable. Dans le secteur extractif, il s’agit avant tout de vérifier que la chaîne d’approvisionnement en minerais est « propre ». Autrement dit, les sociétés doivent s’assurer auprès de tous leurs sous-traitants que leurs activités respectent les standards sociaux et environnementaux. Mais selon les entreprises, il ne faut pas oublier pour autant qu’elles opèrent dans des pays du Sud où l’État est défaillant.
« Nous devons pallier de nombreux manques que nous identifions à notre arrivée. Ainsi, nous décidons, en accord avec les communautés locales, d’assurer la construction et la gestion de certains services publics de base ». Pour elles, il s’agit de vivre en paix avec les peuples, et cela afin de garantir la sécurité de leurs activités économiques.
« Mettre en place de telles politiques nécessite beaucoup de moyens humains et financiers. Face à la concurrence mondiale, nos entreprises européennes risquent de perdre des plumes. Beaucoup d’entreprises chinoises ne s’embarrassent pas de l’éthique. Elles se contentent juste de faire du commerce, dans des conditions de travail désastreuses et sans considération pour les populations locales…». Face à ces préoccupations, Justice et Paix a une position très claire : il faut multiplier les standards à caractère obligatoire de protection des droits fondamentaux et de l’environnement au niveau des Nations Unies. Et cela afin que la « responsabilité sociétale » devienne universelle. Le débat est complexe tant le secteur privé rechigne à se voir imposer des normes qui le contraignent ou qu’il estime « déjà mettre en place par lui-même… ». La prolifération de réglementations effraie le secteur privé, qui a peur de devoir jongler avec des réglementations de plus en plus complexes. Mais l’auto-régulation offre malheureusement trop d’espaces vides dans lesquels s’engouffrent encore de nombreux acteurs privés… Nous évoluons dans des matières complexes, situées entre le droit et l’éthique. Il convient de fixer un cadre dans lequel tous les acteurs se retrouvent, y compris les populations locales du Sud.
« Il faut faire un travail constant de sensibilisation en interne. Même si la multiplicité et la complexité des thèmes nous rendent la tâche plus ardue, nous voyons qu’il y a de nettes améliorations ».Les ONG européennes disposent de nombreux contacts avec des partenaires dans les pays du Sud. Ceux-ci peuvent venir témoigner auprès des sièges des entreprises en Europe afin de sensibiliser les employés. Ces acteurs locaux sont les porte-paroles idéaux des populations affectées par les opérations à l’étranger. Il y a donc là une véritable opportunité pour se rapprocher…
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↑1 | Voir « Les entreprises belges et l’exploitation minière en RD.Congo et au Pérou », par F.Triest, Éd.Commission Justice et Paix Belgique francophone, p.34 : Classement des pays (PIB) et des entreprises multinationales (chiffres d’affaires) en 2008. |
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↑2 | Les entreprises contactées ne seront pas citées dans cette analyse, et cela afin d’assurer la réussite du dialogue qui demande la confidentialité la plus absolue. |